Mercedes C63 AMG : Atmo ou Turbo ?

LG-5 stars

De toutes les AMG, la C63 est probablement la plus charismatique car représentant à elle seule le concept du « muscle car » à l’européenne. Mais sa dernière évolution, passée à la suralimentation, reste-t-elle fidèle à la tradition ? C’est ce que nous allons découvrir…

AMG, 3 lettres qui résonnent comme le symbole des super berlines des années 1980, capables de damer le pion aux voitures les plus sportives de leur époque sans avoir l’air d’y toucher… A ses débuts, alors qu’il se distinguait en compétition, le petit préparateur d’Affalterbach proposait aux clients Mercedes toutes sortes d’améliorations moteur, châssis et cosmétiques, chose rare en ces temps-là… C’était le début du « tuning » haut de gamme.  Fort de ses multiples succès sur les circuits, notamment en DTM dans les années 1990, AMG intégra petit à petit le giron de la marque à l’étoile pour se faire finalement racheter en 2005 et devenir ce qu’il est aujourd’hui, soit le département sport et compétition de Mercedes-Benz avec une gamme complète de véhicules hautes performances.

Muscle Car made in Europe

Et la C63 dans tout ça ? Eh bien cette berline compacte représentait probablement ce que AMG a produit de plus fou en série. Présentée en 2008, la C63 (série W204) était la première Mercedes à être développée à 100% par AMG pour fournir à la fois des performances hors normes – c’était alors la berline compacte la plus rapide au monde – mais aussi un comportement routier digne de son rang. Rappelons que jusqu’alors les AMG avaient la fâcheuse réputation de ne servir qu’à accélérer en ligne droite ! Pour ce faire AMG n’y alla pas par quatre chemins et lui greffa le train avant de l’exubérante CLK 63 AMG Black Series, ni plus ni moins ! Elle disposait alors la direction la plus directe et réactive jamais montée sur une Mercedes de série. Un détail qui se voit sur ses ailes avant bodybuildées où se loge ce fameux train avant à la voie élargie. Un autre morceau de choix se trouve sous son capot avec le premier moteur développé à 100% par AMG et ne partageant aucune cote avec un moteur Mercedes existant. Né pour courir en DTM, ce fabuleux V8 6,2l atmosphérique, nom de code M156, est un véritable chef d’œuvre. Puissant et coupleux à souhait, sa sonorité caverneuse et intimidante fait tourner toutes les têtes sur son passage. La déclinaison ultime de ce moteur hors norme est le M159 utilisé sur l’emblématique AMG SLS à portes papillons. Une sacrée carte de visite !

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Aussi, quand la dernière C63 (W205) abandonna ce fabuleux moteur au profit d’une version plus moderne faisant appel au downsizing (cylindrée réduite et turbo), l’idée de réaliser une confrontation entre l’ancienne et la nouvelle s’imposa comme une évidence. Pour notre essai, nous opposons une C63 (W204) de 2013, celle de notre rédaction, équipée du AMG Performance Package Plus, soit avec l’évolution moteur portant sa puissance à 487 ch (et utilisant l’embiellage du M159) à la nouvelle C63S (W205) qui est équipée du nouveau moteur M177 V8 4,0l biturbo, celui-là même de l’AMG GT (sauf que pour cette dernière il hérite d’un carter sec et devient M178) qui développe la bagatelle de 510 ch dans sa version S. Le but ? Déterminer si le passage à la suralimentation n’a pas entaché le caractère de ce « muscle car ».

Breaks de chasse – Breaks de classe !

Nos deux exemplaires sont des breaks, une forme de carrosserie rare qui leur va à ravir. D’ailleurs depuis 2009, c’est sous cette version que la C63 officie comme « Medical Car » sur les GP de Formule 1. La W204, plus classique, est aussi plus bestiale avec ses ailes avant élargies, elle dégage une sportivité intemporelle qui risque bien de la placer au pinacle des futurs « collectors » du genre. La plus moderne W205 adopte un style plus neutre qui se fond dans la mouvance actuelle du nouveau design Mercedes avec une face avant expressive et une ligne de caisse tombante vers l’arrière. La face arrière, probablement la partie la moins réussie de sa physionomie, adopte des codes communs au reste de la production actuelle. Son coloris noir contribue à sa discrétion tout en entretenant ce look furtif qui lui va à ravir. Dans l’habitacle, les différences de style sont encore plus marquées avec une planche de bord très « old school » Mercedes pour la W204 et un style plus frais et contemporain pour la W205. Notre appréciation, très subjective et probablement biaisée, nous fait préférer l’ancienne d’où se dégage un cachet et une impression de robustesse que la nouvelle n’a pas.

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Moteurs de référence

Les moteurs de nos C63 sont, comme de coutume chez AMG, entièrement montés à la main par un seul technicien dans les ateliers de l’usine d’Affalterbach, c’est le concept « One man, one engine ». Le moteur M156, dérivé de la compétition, représente un mètre étalon dans l’histoire de AMG et demeure une référence dans le segment des V8 atmosphériques, tout simplement parce que, normes d’émissions obligent, des pareils on n’en fera plus ! La disponibilité de son couple, ses montées en régimes démoniaques et la sonorité qui s’en émane ont marqué pour toujours l’esprit de ceux qui ont eu la chance d’en conduire. La nouvelle unité M177 fait partie des moteurs de dernière génération. Pourvu de 2 turbos et de l’injection directe, ce V8 4,0l développe une puissance de 510 ch et surtout un couple de 700 Nm entre 1750 et 4500 tours/min. AMG a particulièrement travaillé pour réduire au maximum le temps de réponse en installant les turbos au milieu du V et en utilisant des intercooler air/eau afin de réduire le parcours des gaz d’échappement et d’admission. Associées à la technique du « scavenging » qui consiste au croisement des soupapes d’admission et d’échappement à faibles régimes et charges partielles, ces mesures augmentent considérablement la réactivité du moteur pour annihiler le fameux « turbo lag ». Comme on le verra derrière le volant, le M177 impressionne à bien des égards…

M156 V8 6,2l

M156 V8 6.2l

M177 4,0l biturbo

M177 4.0l biturbo

W204 – Brutale

IMG_1753Dès le démarrage le moteur de la W204 impressionne avec un son à couper le souffle…  impossible de passer inaperçu à son volant. Sa position de conduite et ses sièges baquet à flancs réglables sont juste parfaits, l’environnement de conduite est à la fois clair et complet, toutes les commandes sont faciles d’accès. La finition de notre modèle avec l’option cuir étendu sur la totalité de la planche de bord et les contre-portes, et les boiseries noires laquées dégagent un cachet très haut de gamme. Dès les premiers tours de roues, on remarque une direction d’une précision et d’une finesse exquise, le retour d’information traduit clairement la présence d’une assistance électro-hydraulique… une technologie qui a tendance à disparaître au profit des systèmes 100% électriques aussi avares en énergie qu’en sensations. La boîte automatique Speedshift à 7 rapports maintient le régime moteur au plus bas en mode confort pour devenir plus vivante en Sport et Sport+ mais on leur préfère le mode Manuel qui réagit instantanément à nos injonctions. La réactivité, la poussée et la réserve de puissance de son moteur sont incroyables… On évolue aux vitesses normales sur un filet de gaz avec, en background une bande son grave et rauque à la fois. A la moindre sollicitation de l’accélérateur, c’est une déferlante qui nous frappe avec une violence mécanique et une sonorité à faire frémir. Un regret cependant, l’insonorisation de l’habitacle est telle que les passants profitent plus du son de ce fabuleux moteur que ses passagers ! La tenue de route est bien entendu à la hauteur mais c’est au prix d’une suspension très ferme et limite inconfortable sur mauvais revêtement. Normal, vu le tarage des ses amortisseurs non pilotés qui doivent composer avec un poids conséquent et des performances d’exception.

W205 – Dr. Jekyll / Mr. Hide

IMG_1754Le nouveau moteur M177 est tout aussi sonore au démarrage mais, turbos obligent, donne dans un registre moins grave, il est battu par le M156 sur ce point. Par contre, dès qu’on roule, il reprend le dessus sur le M156 grâce à son système d’échappement commutable qui permet de libérer les gaz pour gratifier nos tympans de belles déflagrations bien plus présentes que dans la W204. A son volant, on profite d’une excellente position de conduite mais les sièges baquets étant désormais optionnels, notre modèle n’en disposait pas. L’environnement de l’habitacle est moins cossu puisque notre modèle d’essai était dépourvu de l’option cuir étendu. De même, le moindre sentiment de robustesse est probablement lié à la nouvelle esthétique plus contemporaine du mobilier de bord. Au démarrage, on note de suite une direction beaucoup plus légère et moins communicatrice que celle de la W204, c’est qu’il s’agit ici d’une assistance 100% électrique… CQDF ! La boîte automatique fait appel à la même base mécanique mais l’amélioration de sa gestion électronique et de certains éléments nous ferait croire le contraire tant elle fluide et réactive quelque soit le mode sélectionné, une réussite ! Le nouveau moteur impressionne par sa disponibilité et sa force mais aussi par son temps de réponse presqu’aussi court que celui du M156. La différence se situe dans son caractère un rien plus lissé et un couple maximum disponible très tôt sur une large plage de régime quand le M156 monte graduellement en force et en puissance. A ne pas en douter le M177 est déjà une référence alors que toutes ses capacités sont encore loin d’être exploitées. Terminons par l’autre grande progression qui se situe au niveau de la suspension dont les amortisseurs pilotés transfigurent le confort de cette super routière. De douce et confortable en mode confort, elle devient efficace et agressive en mode race avec un comportement très caractériel qui nous ramène à celui de la W204.

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Au terme de cet essai, il apparaît évident que la nouvelle C63 a progressé dans pratiquement tous les domaines pour devenir une voiture beaucoup plus polyvalente au quotidien tout en étant capable d’offrir ce grain de folie qu’on attend d’elle quand on le souhaite. Cependant, en devenant plus parfaite et efficace, elle devient aussi moins extrême et savoureuse au quotidien que sa devancière qui, quoiqu’il arrive, est déjà assurée de sa place dans le cœur des fans de « muscle car » européen. L’ancienne C63 W204 est un monument de la production automobile sportive et peut d’ores et déjà aspirer au statut de collector. Une chose est sûre, des voitures comme celle-là, on n’en fera plus !

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Photos: Xavier F. Photography / Mercedes  – Remerciements à The Car’tell et au Circuit de Chambley pour leur accueil dans leurs locaux