Le début du partenariat entre Shell et la Scuderia Ferrari date de 1929, une époque où l’artisanat et les solutions empiriques étaient légion, mais qu’en est-il aujourd’hui?
A cette belle époque des débuts du sport automobile, on imagine volontiers un mécanicien courant à travers les stands, un bidon d’huile à la main pour faire l’appoint du moteur d’un bolide impatient de retourner en piste. Quant au partenariat actuel, ne se limiterait-t-il pas au payement d’une somme astronomique en échange de quelques places VIP et du droit d’apposer son logo sur les F1? Cette vision est bien éloignée de la vérité… Enquête à Spa-Francorchamps lors du dernier Grand Prix de Belgique.
Chez Shell, près de 50 employés sont entièrement dédiés au programme de développement moteur F1 de la Scuderia.
La mission de Shell consiste d’une part, à développer un carburant optimisé pour les besoins très spécifiques des nouveaux moteurs de F1 (1,6l V6 turbo hybride) tout en respectant la réglementation très stricte (l’essence F1 est à 99% identique à celle de la pompe). D’autre part, c’est l’élaboration du lubrifiant qui doit fonctionner comme un composant à part entière du moteur. Cette huile répond à un cahier des charges spécifique (performance et protection maximales) avec une formulation très agressive en terme de viscosité et d’additifs. Shell dépêche pas moins de 3 ingénieurs à chaque essai ou course du calendrier F1. Ceux-ci disposent d’un mini-laboratoire mobile où ils peuvent analyser essence et huile moteur à leur guise. A l’intérieur on trouve, pour l’analyse de l’essence, 2 chromatographes à phase gazeuse montrant les pics correspondants aux différents composants du carburant qui vient d’être analysé.
Seuls 4 moteurs par voiture sont permis pour toute la saison 2015, d’où l’importance de la qualité du lubrifiant.
Pour être conforme, ces pics doivent s’aligner parfaitement avec ceux de l’essence de référence de la FIA. S’y trouve aussi un appareil du type électrode à disque tournant (EDT) pour analyser l’huile vidangée des moteurs. D’ailleurs, on a pu assister à l’analyse d’un échantillon juste prélevé sur le moteur de Raïkkönen. Cette huile n’a parcouru que la distance des essais libres (164 km) et pourtant elle est déjà nettement brunie par l’oxydation et la contamination des gaz de combustions filtrant à travers la segmentation des pistons. Son analyse indique la quantité de contaminants, y compris les particules métalliques, et informe sur l’usure du moteur, un élément capital quand on sait que seuls 4 moteurs par voiture sont permis pour toute la saison 2015.
Dans les paddocks, on découvre un monde à part. Les lounges VIP, de véritables immeubles à 2 étages, sont composés de remorques de camions alignées et empilées les unes sur les autres.
Quant aux stands, c’est propre, ultra propre… Des hordes de mécaniciens s’y agitent dans un ballet bien rodé. Impressionnant ! La seconde session d’information a pour sujet les nouvelles huiles Shell faisant appel à une technologie de pointe, le GTL (Gas to Liquid). Fini le raffinage d’un pétrole visqueux et noirâtre chargé d’impuretés. Chez Shell, on utilise désormais le gaz naturel pour élaborer un lubrifiant pur, complètement transparent, plus performant et nécessitant moins d’additifs. Il permettrait de faire chuter la consommation en carburant de 3% ! C’est carrément une petite révolution dans le domaine des lubrifiants moteurs et les constructeurs de voitures de tourisme l’ont bien compris puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à utiliser les huiles Shell… A commencer, bien entendu, par Ferrari ! Puisqu’on vous dit qu’ils sont partenaires depuis 1929 !
Texte : Fabrice Humblet / ADPF | Photos : Shell